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Les chemins de l'air frais
--> Margarita ma nounou

Margarita m'appelait Yiyo, j'étais remuante et aventurière, j'adorais apprendre et lire, comme maintenant je le suis à nouveau, après 20 ans d'absence de moi même, à cause de ma venue en Europe. J'essayais de lui transmettre les choses que j'apprenais dans les encyclopédies ou à l'école, de lui apprendre des choses pour qu'elle ne soit plus notre "bonne", car être bonne chez nous c'est presque être une esclave.

Margarita était ma nounou et elle fut la dernière de toutes les bonnes noires qui ont travaillé chez mes parents. Elle est resté des années à coté de moi, elle m'a nourrit de son sourire et de son tendre regard. On parlait les deux, tendues à travers son petit lit métallique qui occupait la moitie de sa chambre exiguë. J'ai grandit de plusieurs centimètres sous ses yeux. Elle me racontait comment, dans la jungle humide, les "duendes" attaquaient les jeunes filles qui se baignaient seules trop longtemps dans le fleuve et leur griffaient la peau. Ou celles qui restaient tard pour chercher de l'or en filtrant le sable et la terre du fond de l'eau avec leurs tamis. Margarita cherchait des pépites d'or dès sa plus tendre enfance. Il le fallait, car dans la jungle humide où ils habitaient, il n'y avait pas grand chose d'autre à faire pour survivre.

Les dimanches tous les 15 jours, lorsqu'elle avait le droit de sortie, Margarita m'amenait des fois dans des villages cachés dans la forêt tropicale.

Margui me prenait avec elle et on allait en bus, par des routes accidentées en terre rouge et sans pavement, jusqu'à des hameaux éparpilles au tour du chemin qui va de la grande ville au vieux et pauvre port au bord du Pacifique où arrivent des précieuses marchandises dans des immenses bateaux, sous le regard immense et famélique d'enfants à moitié nus et éclatants de beauté. Les rues sont boueuses et le port a le nom de ce que ses habitants gardent dans leur coeur, malgré l'adversité. Le Bonheur.  

Dans ces hameaux il n'y avait que des gens noirs ; avec des immenses sourires, des muscles luisants et des voix délicieuses qui nous accueillaient avec émotion. Leur peau avait un arôme d'épice chaude, proche de la cannelle. L'odeur de la tendresse et de l'allégresse. Aujourd'hui, lorsque je le retrouve, cet odeur de mon enfance me fait sentir en sécurité.

Plantées au milieu de la jungle, sur la route du Pacifique, leurs maisons en bois, sur pattes -sûrement en souvenir de tsunamis ancestraux-, mais très frêles, n'étaient pas étanches et l'air volait en traversant leur intérieur, en total liberté.

Les gens étaient légèrement vêtus, avec de vieux habits des fois déchirés, ceux des femmes étaient pleins de fleurs ou de couleurs rose soutenu, aigue-marine, jaune poussin. J'étais traitée comme un enfant de plus, dans ces familles pauvres mais pleines d'enthousiasme, de dignité et de bonté. J'avais 6 ans et j'étais heureuse comme jamais.

Ecrit par , le Mardi 30 Septembre 2003, 14:48 dans la rubrique Souvenir.